Le nouveau rite condamné

En 2007, le Motu proprio Summorum Pontificum du pape Benoît XVI a établi une stricte égalité de droits entre la messe tridentine et la messe de Paul VI. Et La lettre aux évêques qui l’accompagne rejette une célébration exclusive de la liturgie traditionnelle : «  Pour vivre la pleine communion, les prêtres des communautés qui adhèrent à l’usage ancien ne peuvent pas, par principe, exclure la célébration selon les nouveaux livres. L’exclusion totale du nouveau rite ne serait pas cohérente avec la reconnaissance de sa valeur et de sa sainteté ».

Indépendamment du caractère politique ou diplomatique de cette lettre – destinée à des évêques hostiles pour beaucoup à l’usage du Missel de saint Pie V -, il importe de rappeler les raisons théologiques pour lesquelles la Fraternité Saint-Pie X s’est constamment opposée au Nouvel Ordo Missae issu du concile Vatican II. On trouve dans le recueil des déclarations de son fondateur, Mgr Marcel Lefebvre, La messe de toujours, une synthèse particulièrement éclairante. De même, dans sa Lettre ouverte aux catholique perplexes, parue en 1985, la comparaison entre l’ancienne et la nouvelle messe, conserve toute son actualité, malgré la volonté du Saint-Siège de corriger certains abus dans la liturgie conciliaire.

Mgr Lefebvre fait sien le jugement porté sur la nouvelle messe par les cardinaux Ottaviani et Bacci en septembre 1969. Les innovations de la nouvelle messe sont absolument contraires aux enseignements des conciles et des papes de saint Pie V à Pie XII. D’autre part, le pape Paul VI lui-même a reconnu l’opposition entre la messe traditionnelle et le nouveau courant de pensée issu du concile Vatican II.

Le jugement des cardinaux Ottaviani et Bacci

Nous ne jugeons pas les intentions, mais les faits (et les conséquences de ces faits, semblables d’ailleurs à celles qui se sont produites dans les siècles passés là où ces réformes ont été introduites) nous obligent à reconnaître avec les cardinaux Ottaviani et Bacci (1) (Bref examen critique de la nouvelle messe remis au Saint-Père le 3 septembre 1969) que « le nouvel ordo s’éloigne d’une manière impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la sainte messe, définie à jamais par le concile de Trente » (2).

Un nouveau rite déjà condamné par plusieurs papes et conciles

C’est une conception plus protestante que catholique qui exprime tout ce qui a été indûment exalté et tout ce qui a été diminué.

Contrairement aux enseignements du concile de Trente dans la 22ème session, contrairement à l’encyclique Mediator Dei de Pie XII, on a exagéré la place des fidèles dans la participation à la messe et diminué la place du prêtre devenu simple président.

On a exagéré la place de la liturgie de la parole et diminué la place du sacrifice propitiatoire. On a exalté le repas communautaire et on l’a laïcisé, aux dépens du respect et de la foi en la présence réelle effectuée par la transsubstantiation.

En supprimant la langue sacrée, on a pluralisé à l’infini les rites, les profanant par des apports mondains ou païens, et on a répandu de fausses traductions, aux dépens de la vraie foi et de la vraie piété des fidèles.

Et cependant les conciles de Florence (3) et de Trente (4) avaient prononcé des anathèmes contre tous ces changements, tout en affirmant que notre messe dans son Canon remontait aux temps apostoliques.

Les papes saint Pie V et Clément VIII ont insisté sur la nécessité d’éviter les changements et les mutations, en gardant perpétuellement ce rite romain consacré par la Tradition.

La désacralisation de la messe, sa laïcisation, entraînent la laïcisation du sacerdoce, à la manière protestante (5).

Comment concilier cette réforme de la messe avec les canons du concile de Trente et les condamnations de la Bulle Auctorem Fidei (6) de Pie VI (2) ?

« C’est la Tradition qui les condamne, pas moi »

Ce n’est pas moi qui me fais juge ; moi je ne suis rien, je ne suis que l’écho d’un magistère qui est clair, qui est évident, qui est dans tous les livres, les encycliques des papes, les documents conciliaires, bref, tous les livres théologiques d’avant le concile. Ce que l’on dit maintenant n’est pas du tout conforme à tout ce magistère qui a été professé pendant deux mille ans. C’est donc la Tradition de l’Eglise, le magistère de l’Eglise qui les condamne. Pas moi (7) !

Les jugements traditionnels de l’Eglise sur l’Eucharistie sont définitifs

Quand à notre attitude vis-à-vis de la réforme liturgique, du bréviaire, nous devons nous en tenir aux affirmations du concile de Trente. On ne voit pas comment l’accorder avec la réforme liturgique. Pourtant le concile de Trente est un concile dogmatique définitif et, une fois que l’Eglise s’est prononcée d’une manière définitive sur certains sujets, un autre concile ne peut pas changer ces définitions. Sans cela, il n’y a plus de vérité possible !

La foi est une chose qui est inchangeable. Quand l’Eglise l’a présentée avec toute son autorité, on est obligé d’y croire sans changement. Or, si le concile de Trente a pris soin d’ajouter des anathèmes à toutes les vérités concernant les sacrements, la liturgie, ce n’est pas pour rien. Or, comment peut-on, avec la légèreté qui fut employée, faire comme si le concile de Trente n’existait plus et dire que le concile second du Vatican a la même autorité et par conséquent peut tout changer ? Alors, on pouvait tout aussi bien changer notre Credo fait au concile de Nicée, qui est encore bien plus ancien, parce que le concile second du Vatican a la même autorité et est plus important que le concile de Nicée…

Nous nous devons d’être fermes sur ces choses-là, et c’est la réponse la plus forte que l’on puisse faire à la réforme liturgique : c’est qu’elle va à l’encontre des définitions absolument définitives et dogmatiques du concile de Trente (8).

Un aveu du pape Paul VI

Voici un petit fait intéressant qui montre ce que pensait le pape Paul VI du changement de la messe. (…) Jean Guitton lui demandait : « Pourquoi n’accepteriez-vous pas qu’à Ecône les prêtres continuent de célébrer la messe de saint Pie V ? On l’a bien dite avant. Je ne vois pas pourquoi on refuserait à ce séminaire la messe ancienne. Laissez-les donc faire. » La réponse du pape Paul VI est très significative. Il a dit : « Non, si nous accordons la messe de saint Pie V à la Fraternité Saint-Pie  X, tout ce que nous avons acquis par le concile du Vatican sera ruiné (9). » (…) C’est quand même extraordinaire que le pape voie dans le retour de la messe ancienne la ruine du concile Vatican II. C’est une révélation incroyable ! C’est pourquoi les libéraux nous en ont tant voulu de dire cette messe qui représente pour eux toute une autre conception de l’Eglise. La messe de saint Pie V n’est pas libérale, elle est anti-libérale, elle est anti-œcuménique. Alors, elle ne peut correspondre à l’esprit de Vatican II (10).

La messe de toujours, éd. Clovis, 2005, pp. 367-371.

  • 1Le cardinal Stickler écrivait le 27 novembre 2004, à l’occasion de la réédition du Bref examen critique de la nouvelle messe des cardinaux Ottaviani et Bacci : « L’analyse du Novus ordo faite par ces deux cardinaux n’a rien perdu de sa valeur ni, malheureusement, de son actualité… Les résultats de la réforme sont jugés dévastateurs par beaucoup aujourd’hui. Ce fut le mérite des cardinaux Ottaviani et Bacci de découvrir très vite que la modification des rites aboutissait à un changement fondamental de la doctrine. »
  • 2a2bLettre au cardinal Seper, 26 février 1978.
  • 3Cf. D.S. 1320.
  • 4Cf. D.S. 1751, 1753, 1756, 1759.
  • 5Lettre ouverte au pape – Manifeste épiscopal, 21 novembre 1983.
  • 6Bulle du 28 août 1794, D.S. 2600.
  • 7Conférence spirituelle, Ecône, 13 mars 1975.
  • 8Conférence spirituelle, Ecône, 18 mars 1977.
  • 9Jean Guitton, Paul VI secret, éd. Desclée De Brouwer, 1979, pp. 158-159.
  • 10Homélie, Zaitzkofen, 15 février 1987.