Le déshonneur infligé à Jésus-Christ

La visite que Jean-Paul II a effectuée à la Synagogue de Rome le dimanche 13 avril 1986, n’avait pas encore eu lieu lorsque S. Exc. Mgr Lefebvre, s’adressant aux séminaristes et aux fidèles à Écône le Saint Jour de Pâques, a exprimé combien cette démarche lui apparaissait d’une extrême gravité.

S’appuyant sur toute la Tradition de l’Église et citant des articles du Droit Canon qui ont expressément condamné une telle éventualité, Mgr Lefebvre a souligné le dilemme devant lequel non seulement lui-même, mais l’ensemble des catholiques se trouvaient placés. Comment le Pape, auquel Notre-Seigneur Jésus-Christ a promis de le soutenir dans la Foi, peut-il cependant s’unir à la prière de ceux qui rejettent la divinité de Notre-Seigneur ?

La position traditionnelle de l’Église vis-à-vis du peuple juif a toujours été dénuée de toute espèce de racisme. Elle s’appuie essentiellement sur le rejet par les Juifs de la divinité de Notre-Seigneur et sur le fait qu’à travers les âges, ils n’ont pas cessé de persécuter son Église.

Nous publions ci-dessous les principaux passages de l’homélie que S. Exc. Mgr Lefebvre a prononcée à Écône, le jour de Pâques 1986.

Mes bien chers amis, mes bien chers frères,

Nous savons tous que nous sommes actuellement devant une situation de l’Église qui est de plus en plus inquiétante. Ce n’est pas depuis aujourd’hui que le problème se pose, mais depuis le Concile, particulièrement depuis l’application des réformes conciliaires. Nous assistons à une espèce d’escalade de l’œcuménisme par le Pape et les évêques. Ce n’est pas un mystère – cela est vu et su par tout le monde – la télévision et tous les moyens de communication sociale font état de cet oecuménisme qui est pratiqué aujourd’hui par les autorités de l’Église. Cet oecuménisme pose à chacun, j’en suis certain, un grave problème de conscience. Nous, nous voulons et nous avons décidé de demeurer catholiques et je ne pense pas que nous avons l’intention de changer. Le catholicisme pour nous signifie garder la Foi, les Sacrements, le Saint Sacrifice de la Messe, le catéchisme, tout ce que l’Église a enseigné et légué comme un héritage précieux pendant dix-neuf siècles à des générations et des générations de catholiques. Nous-mêmes, nous avons reçu dans notre enfance, dans notre jeunesse, notre adolescence et à l’âge mûr, nous avons reçu ce précieux héritage et nous y sommes attachés comme à la prunelle de nos yeux. Cette Foi et tous les moyens de la garder qui nous ont été légués d’entretenir la grâce en nous sont nécessaires et absolument indispensables pour sauver nos âmes et aller au Ciel. Ce n’est pas pour d’autres raisons que nous voulons demeurer catholiques : c’est pour sauver nos âmes. J’ai dit jeudi, que nous avons l’impression de nous éloigner toujours davantage de ceux qui pratiquent cet oecuménisme insensé et contraire à la Foi catholique. Mais, je devrais dire plutôt que demeurant catholiques et décidant de le rester jusqu’à la fin de nos jours, ce sont eux que nous voyons s’éloigner de nous parce que nous voulons demeurer catholiques. Ils s’écartent toujours un peu plus du premier précepte d’un baptisé qui est de professer sa Foi catholique. Ce n’est pas pour rien que nos parrain et marraine ont prononcé le Credo le jour de notre baptême et qu’ensuite lorsque nous avons reçu la Confirmation, nous avons répété nous-même ce Credo qui nous attache définitivement à la Foi catholique.

Or, des faits bouleversants se sont accumulés surtout depuis les voyages du Pape au Maroc, au Togo, dans les Indes et les communiqués que le Saint-Siège a officiellement publiés ces derniers jours pour dire que le Pape avait l’intention de se rendre chez les Juifs, pour prier avec eux, que le Pape allait se rendre à Taizé pour prier avec les protestants et qu’il voulait – il l’a dit lui-même publiquement à Saint-Paul-hors-les-Murs faire une cérémonie qui réunirait toutes les religions du monde pour prier avec elles à Assise, pour la paix, lors de la Journée de la paix, qui doit avoir lieu le 24 octobre, dans le cadre de l’Année de la paix proclamée par l’O.N.U.

Vous avez lu cela dans les journaux et ceux qui ont la télévision ont pu voir et entendre eux-mêmes.

Qu’en pensons-nous ? Quelle est la réaction de notre Foi catholique? C’est cela qui compte. Ce n’est pas notre sentiment personnel, une espèce d’impression de constatation quelconque. Il s’agit de savoir ce qu’en pense l’Église catholique, selon ce que l’on nous a enseigné, quelles sont les réactions de notre Foi devant ces faits ?

C’est pourquoi je vais citer quelques phrases très courtes que j’ai recueillies dans le traité de Droit canonique du chanoine Naz. Le Droit Canon édicté sur l’ordre du saint Pape Pie X et publié par Benoît XV, est l’expression de la loi de l’Église et qui a été la sienne pendant dix-neuf siècles.

Participation à un culte non catholique

Que disent ces textes à propos de ce que l’on appelle la communicatio in sacris, c’est-à-dire la participation à un culte non catholique ou chez les non-catholiques?

Je crois que c’est bien là ce qui nous occupe quand nous vouons le Pape et des évêques participer à des cultes non catholiques. Qu’est-ce que dit l’Église de la communicatio in sacris ? Elle est interdite avec les non-catholiques par le Canon 1258, § 1, qui dit : « Il est absolument interdit aux fidèles d’assister ou de prendre part activement aux cultes des acatholiques (c’est-à-dire des non-catholiques) de quelque manière que ce soit. » Et voici comment ce commentaire officiel de la doctrine de l’Église l’explique et que je n’ai fait que copier :

« La participation est active et formelle quand un catholique participe à un culte non-catholique avec l’intention d’honorer Dieu par ce moyen à la manière des non-catholiques ». C’est exactement ce devant quoi nous nous trouvons. Je pense réellement que les évêques et que le Pape ont l’intention d’honorer Dieu par le culte non catholique auquel ils participent. Je pense ne pas me tromper.

« Il est interdit de prier, de chanter, de jouer de l’orgue dans un temple hérétique ou schismatique, en s’associant aux fidèles qui y célèbrent leur culte, même si les termes du chant et des prières sont orthodoxes ».

Ce n’est pas moi qui ai écrit cela. C’est en toutes lettres dans le traité de Droit canonique du chanoine Naz qui fait autorité et qui a toujours été considéré dans l’Église comme un commentaire tout à fait officiel et valable. Ceux qui participent ainsi activement et formellement au culte de non catholiques sont présumés adhérer aux croyances de ces derniers. C’est pourquoi le Canon 2316 les déclare « suspects d’hérésie » et s’ils persévèrent ils sont « considérés comme hérétiques ». Je ne fais que citer ce texte.

Pourquoi cette législation de l’Église ? 

Pour nous aider à pratiquer le premier commandement qui est de professer notre Foi catholique. Si nous la professons, il nous est impossible, il est inconcevable de professer une autre foi et de participer à un autre culte. En priant dans un autre culte nous faisons profession d’honorer le dieu qui est invoqué par ce culte celui d’une fausse religion. Un dieu qui est une construction de l’esprit ou qui est une idole quelconque, mais qui n’est pas le vrai Dieu. Comment voulez-vous que les Juifs prient le vrai Dieu ? Ils sont formellement, essentiellement contre Notre-Seigneur Jésus-Christ, depuis précisément le jour de la Résurrection de Notre-Seigneur et même avant puisqu’ils l’ont crucifié. Mais d’une manière quasi officielle après la Résurrection : ils se sont mis immédiatement à persécuter les disciples de Notre-Seigneur Jésus-Christ et cela pendant des siècles. Comment peut-on prier le vrai Dieu avec les Juifs ? Qui est Notre-Seigneur Jésus-Christ ? C’est le Verbe de Dieu, Il est Dieu. Nous n’avons qu’un seul Dieu : Dieu le Père, Fils et Saint-Esprit et qu’un seul Seigneur, Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ce sont les Évangélistes qui répètent cela à satiété. Quiconque s’oppose à Notre-Seigneur Jésus-Christ n’a pas le Père, comme le dit explicitement saint Jean dans ses lettres : « Qui n’a pas le Fils, n’a pas le Père. Celui qui n’honore pas le Fils, n’honore pas le Père » (I Joan. II – 23).

C’est normal, il n’y a qu’un seul Dieu en trois Personnes. Si l’une des personnes est déshonorée, refusée, on ne peut pas honorer les autres personnes. C’est impossible. C’est détruire la Sainte Trinité. Par conséquent, en déshonorant Notre-Seigneur Jésus-Christ, les Juifs déshonorent la Sainte Trinité. Comment pourraient-ils prier Notre-Seigneur, le vrai Dieu. Or, il n’y a pas d’autre Dieu au Ciel que nous connaissions, qui nous ait été enseigné par notre Foi catholique.

Voilà la situation devant laquelle nous nous trouvons. Je ne l’invente pas. Ce n’est pas moi qui la veux, bien au contraire. Je voudrais mourir, je voudrais donner ma vie pour qu’elle n’existe pas.

Un dilemme excessivement grave

Nous nous trouvons vraiment devant un dilemme excessivement grave, qui je crois n’a jamais été posé dans l’Église. Que celui qui est assis sur le Siège de Pierre participe à des cultes de faux dieux, je ne pense pas que cela soit jamais arrivé dans toute l’histoire de l’Église.

Quelle conclusion devrons-nous peut-être tirer dans quelques mois devant ces actes répétés de communication à de faux cultes ? Je ne sais pas. Je me le demande. Mais il est possible que nous soyons dans l’obligation de croire que ce pape n’est pas pape. Je ne veux pas encore le dire d’une manière solennelle et formelle, mais il semble bien à première vue qu’il soit impossible qu’un pape soit hérétique publiquement et formellement.

Notre-Seigneur lui a promis d’être avec lui, de le garder dans la Foi et sans qu’il puisse errer dans la Foi, mais peut-il en même temps être hérétique publiquement et quasiment apostasier? Voilà un problème qui ne me concerne pas seulement moi, mais qui vous concerne tous.

Si l’on nous a persécutés, si maintenant l’on nous traite comme des gens qui sont presque hors de l’Église, pourquoi ? C’est parce que nous sommes restés catholiques et que nous voulons le rester.Nous constatons, demeurant catholiques, que ces personnes s’éloignent toujours davantage de la doctrine catholique et par conséquent de nous. Que voulez-vous que l’on y fasse ? C’est exactement comme les Juifs qui se sont éloignés de Notre-Seigneur Jésus-Christ et cela toujours davantage jusqu’à en devenir les ennemis jurés. Les Juifs auraient dû tous se réunir à Notre-Seigneur. Ils auraient dû tous suivre la Très Sainte Vierge Marie et les Apôtres exception faite de Judas bien sûr – mais, tous les disciples de Notre-Seigneur sont des Juifs qui se sont convertis à Notre-Seigneur et qui l’ont suivi. Notre religion chrétienne a commencé avec des Juifs convertis. Pourquoi y en a-t-il un certain nombre qui ont refusé de se convertir malgré toute l’évidence des miracles de Notre-Seigneur, l’évidence de sa Résurrection ? Les soldats qui étaient présents, effrayés après l’apparition de l’ange et le tremblement de terre qui a eu lieu, ont couru vers les princes des prêtres pour dire ce qui était arrivé. C’est-à-dire que Notre-Seigneur n’était plus dans son tombeau, qu’il était ressuscité et qu’ils avaient entendu un tremblement de terre effrayant. Ils sont venus faire part de leur constatation et apporter leur témoignage.

Qu’ont fait les princes des prêtres ? Au lieu de dire : nous faisons amende honorable, nous nous sommes trompés, nous adorons Notre-Seigneur- Jésus-Christ ; s’Il est vraiment ressuscité, comment ne pas l’adorer, comment ne pas le suivre ?

Non. Qu’ont-ils dit aux soldats ? « Voilà une forte somme d’argent et allez répéter dans tout Jérusalem que pendant que vous dormiez les Apôtres sont venus prendre le corps de Notre-Seigneur ». Alors, comme l’écrit très bien saint Augustin – en souriant je pense – : « Comment ont-ils pu affirmer qu’ils avaient vu les Apôtres enlever le corps de Notre-Seigneur, puisqu’ils dormaient ? Ils n’ont pas pu voir. C’est le démon qui les a inspirés et ils sont restés sous son influence ».

Devant cette situation que faire ?

Que faire ? Devant cette situation de l’Église nous devons matin et soir, jour et nuit, prier la Très Sainte Vierge Marie de venir au secours de son Église. Car c’est un scandale considérable – au vrai sens du terme, scandale veut dire pousser au péché – que ce scandale de l’œcuménisme et de la participation aux cultes des fausses religions. Les catholiques perdent la Foi. Ils n’ont plus la Foi dans l’Église catholique. Ils ne croient plus qu’il n’y a qu’une seule vraie religion, qu’il n’y a qu’un seul et vrai Dieu, la Trinité Sainte. La Foi disparaît quand l’exemple et le scandale viennent de si haut, de celui qui est sur le Siège de Pierre et de presque tous les évêques.

Alors, pauvres chrétiens qui sont livrés à eux-mêmes, qui n’ont pas suffisamment de formation chrétienne pour maintenir leur Foi catholique malgré tout, ou qui n’ont pas à côté d’eux des prêtres qui les aident à garder cette Foi ! Ils sont désemparés. Ou ils perdent la Foi, ne pratiquent plus, ne prient plus, ou ils s’engagent dans des sectes quelconques. Alors nous devons beaucoup prier, réfléchir, demander au Bon Dieu de nous garder dans la Foi catholique quoi qu’il arrive. Les événements ne dépendent pas de nous. C’est comme un film de cinéma qui se déroule devant nos yeux. Depuis le Concile nous voyons la situation se détériorer d’année en année. Le Synode a encore marqué, je dirai, un point d’orgue encore plus grave que les autres en affirmant : Nous continuons. Nous continuons, malgré toutes les conséquences désastreuses, le Synode a voulu voir dans le Concile une couvre du Saint-Esprit, une Pentecôte extraordinaire : il faut continuer, continuer dans l’esprit du Concile, pas de restriction, pas de réprimande, pas de retour à la Tradition.

Et nous voyons maintenant les étapes se précipiter, aller encore plus vite. Forcément puisqu’il n’y a pas eu d’objection après ces vingt années de mise en pratique de l’esprit du Concile, désormais tous ceux qui sont d’accord avec ces transformations dans l’Église, n’ont pas de raison de ne pas continuer et plus rapidement encore. On en arrive à la destruction totale de l’Église.