Bref examen critique
Bref examen critique
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Histoire des changements
Le Synode épiscopal convoqué à Rome au mois d’octobre 1967 eut à prononcer un jugement sur la célébration expérimentale d’une messe dite « messe normative ». Cette messe avait été élaborée par le Consilium ad exequendam Constitutionem de Sacra Liturgia (Comité pour l’application de la Constitution conciliaire sur la liturgie).
Une telle messe provoqua la plus grave perplexité parmi les membres du Synode : une vive opposition (43 non placet), de nombreuses et substantielles réserves (62 juxta modum) et 4 abstentions, et ce sur un total de 187 votants.
La presse internationale d’information parla d’un « refus » du Synode. La presse de tendance novatrice passa l’événement sous silence. Un périodique connu, destiné aux évêques et exprimant leur enseignement, résuma le nouveau rite en ces termes :
« On veut faire table rase de toute la théologie de la Messe. En substance, on se rapproche de la théologie protestante qui a détruit le sacrifice de la Messe. »
Dans le nouvel ORDO MISSAE, promulgué par la Constitution apostolique Missale romanum du 3 avril 1969, on retrouve, identique dans sa substance, la « messe normative ». II ne semble pas que, dans l’intervalle, les Conférences épiscopales en tant que telles aient été consultées à ce sujet.
La Constitution apostolique Missale romanum affirme que l’ancien Missel promulgué par saint Pie V (Bulle Quo Primum, 19 juillet 1570), – mais qui remonte en grande partie à Grégoire le Grand et même à une antiquité encore plus haute1 fut pendant quatre siècles la norme de la célébration du Sacrifice pour les prêtres de rite latin. La Constitution apostolique Missale romanum ajoute que dans ce Missel, répandu par toute la terre, « d’innombrables saints trouvèrent la nourriture surabondante de leur piété envers Dieu ».
Et pourtant la réforme qui veut mettre ce Missel définitivement hors d’usage aurait été rendue nécessaire, selon la même Constitution, « à partir du moment où commença à se répandre davantage dans le peuple chrétien et à s’affermir le goût d’une culture liturgique dont il convenait de soutenir la ferveur ».
Cette dernière affirmation renferme, de toute évidence, une grave équivoque.
Si en effet le peuple chrétien exprima son désir, ce fut quand – principalement sous l’impulsion de saint Pie X – il se mit à découvrir les trésors authentiques et immortels de sa liturgie. Jamais, absolument jamais, le peuple chrétien n’a demandé que, pour la faire mieux comprendre, on change ou on mutile la liturgie. Ce qu’il demande à mieux comprendre, c’est l’unique, c’est l’immuable liturgie, que jamais il n’aurait voulu voir changer.
Le Missel romain de saint Pie V était très cher au cœur des catholiques qui, prêtres et laïcs, le vénéraient religieusement. On ne voit pas en quoi l’usage de ce Missel, accompagné d’une initiation appropriée, pourrait faire obstacle à une plus grande participation et à une meilleure connaissance de la liturgie sacrée ; on ne voit pas pourquoi, tout en lui reconnaissant de si grands mérites comme fait la Constitution Missale romanum, on ne l’a plus estimé capable de continuer à nourrir la piété liturgique du peuple chrétien.
Ainsi donc, le Synode épiscopal avait refusé cette « messe normative » qui est aujourd’hui reprise en substance et imposée par le nouvel ORDO MISSAE. Celui-ci n’a jamais été soumis au jugement collégial des Conférences épiscopales. Jamais le peuple chrétien (et surtout pas dans les missions) n’a voulu une quelconque réforme de la Sainte Messe. On ne parvient donc pas à discerner les motifs de la nouvelle législation qui ruine une tradition dont la Constitution Missale romanum elle-même reconnaît qu’elle est inchangée depuis le IVe ou le Ve siècle.
Par conséquent, les motifs d’une telle réforme n’existant pas, la réforme elle-même apparaît dépourvue du fondement raisonnable qui, en la justifiant, la rendrait acceptable au peuple catholique.
Le Concile avait bien exprimé, au numéro 50 de sa Constitution sur la liturgie, le désir que les différentes parties de la Messe fussent réordonnées « de telle sorte que la raison propre de chacune de ses parties ainsi que leurs connexions mutuelles apparaissent plus clairement. » Nous allons voir comment le nouvel ORDO MISSAE répond à ces vœux, dont nous pouvons dire qu’il ne reste, en fait, aucun souvenir.
L’examen détaillé du nouvel ORDO MISSAE révèle des changements d’une telle portée qu’ils justifient sur lui le même jugement que sur la « messe normative ».
Le nouvel ORDO MISSAE, comme la « messe normative », est fait pour contenter sur bien des points les plus modernistes des protestants.
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La définition de la messe.
Commençons par LA DEFINITION DE LA MESSE. Elle est donnée au numéro 7 du second chapitre de l’Institutio generalis. Ce chapitre est intitulé : « La structure de la Messe ».
Voici cette définition : « La Cène dominicale est la synaxe2 sacrée ou le rassemblement du peuple de Dieu se réunissant sous la présidence du prêtre pour célébrer le mémorial du Seigneur.3 C’est pourquoi vaut éminemment pour l’assemblée locale de la sainte Eglise la promesse du Christ : Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux (Mat., XVIII, 20). »
La définition de la Messe est donc réduite à celle d’une « cène » : et cela réapparaît continuellement (aux numéros 8, 48, 55, 56 de l’Institutio generalis).
Cette « cène » est en outre caractérisée comme étant celle de l’assemblée présidée par le prêtre ; celle de l’assemblée réunie afin de réaliser « le mémorial du Seigneur », qui rappelle ce qu’il fit le jeudi-saint.
Tout cela n’implique ni la Présence réelle, ni la réalité du Sacrifice, ni le caractère sacramentel du prêtre qui consacre, ni la valeur intrinsèque du Sacrifice eucharistique indépendamment de la présence de l’assemblée.4
En un mot, cette nouvelle définition ne contient aucune des données dogmatiques qui sont essentielles à la Messe et qui en constituent la véritable définition. L’omission, en un tel endroit, de ces données dogmatiques, ne peut être que volontaire.
Une telle omission volontaire signifie leur « dépassement » et, au moins en pratique, leur négation.5
Dans la seconde partie de la nouvelle définition, on aggrave encore l’équivoque. On y affirme en effet que l’assemblée en laquelle consiste la Messe réalise « éminemment » la promesse du Christ : « Là où deux ou trois d’entre vous sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux. »
Or cette promesse concerne formellement la présence spirituelle du Christ en vertu de la grâce.
En sorte que l’enchaînement et la suite des idées, dans le numéro 7 de l’Institutio generalis, induit à penser que cette présence spirituelle du Christ, à l’intensité près, est qualitativement homogène à la présence substantielle propre au sacrement de l’Eucharistie.
La nouvelle définition du numéro 7 est immédiatement suivie, au numéro 8, par la division de la Messe en deux parties :
- liturgie de la parole ;
- liturgie eucharistique.
Cette division est accompagnée par l’affirmation que la Messe comporte la préparation :
- de la « table de la parole de Dieu »,
- de la « table du Corps du Christ »,
afin que les fidèles soient « enseignés et restaurés ».
II y a là une assimilation des deux parties de la liturgie, comme s’il s’agissait de deux signes d’égale valeur symbolique. Assimilation qui est absolument illégitime. Nous y reviendrons plus loin.
L’Institutio generalis, qui constitue l’introduction du nouvel ORDO MISSAE, emploie pour désigner la Messe des expressions nombreuses qui seraient toutes acceptables relativement. Elles sont toutes à rejeter si on les emploie – comme elles le sont – séparément et dans l’absolu : chacune acquerrant une portée absolue du fait qu’elle est employée séparément.
En voici quelques-unes :
- « action du Christ et du peuple de Dieu » ;
- « Cène du Seigneur » ;
- « repas pascal » ;
- « participation commune à la table du Seigneur » ;
- « prière eucharistique » ;
- « liturgie de la parole et liturgie eucharistique » ,
- etc…
Il est manifeste que les auteurs du nouvel ORDO MISSAE ont mis l’accent, de façon obsessionnelle, sur la cène et sur la mémoire qui en est faite, et non pas sur le renouvellement (non sanglant) du sacrifice de la Croix.
On doit même observer que la formule : « Mémorial de la Passion et de la Résurrection du Seigneur » n’est pas exacte. La Messe se réfère formellement au seul Sacrifice, qui est, en soi, rédempteur ; la Résurrection en est le fruit.6 – Nous verrons plus loin avec quelle cohérence systématique, dans la formule consécratoire elle-même et en général dans tout le nouvel ORDO, les mêmes équivoques sont renouvelées et répétées avec insistance.
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Les finalités de la messe
Venons-en maintenant aux FINALITES DE LA MESSE : à savoir sa finalité ultime, sa finalité prochaine et sa finalité immanente.
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FINALITE ULTIME.
La fin ultime de la Messe consiste en ce qu’elle est un sacrifice de louange à la Très Sainte Trinité, – conformément à l’intention primordiale de l’Incarnation, déclarée par le Christ Lui-même : « Entrant dans le monde il dit : Tu n’as voulu ni victime ni oblation, mais tu m’as formé un corps » (Ps. 40, 7-9 ; Heb., X, 5).
Cette finalité ultime et essentielle, le nouvel ORDO MISSAE la fait disparaître :
- premièrement, de l’Offertoire, où ne figure plus la prière Suscipe Sancta Trinitas (ou Suscipe Sancte Pater) ;
- deuxièmement, de la conclusion de la Messe, qui ne comporte plus le Placeat tibi Sancta Trinitas ;
- troisièmement, de la Préface : puisque la Préface de la Sainte Trinité ne sera plus prononcée qu’une fois l’an.
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FINALITE PROCHAINE.
La fin prochaine de la Messe consiste en ce qu’elle est un sacrifice propitiatoire.7
Cette finalité est compromise elle aussi : alors que la Messe opère la rémission des péchés, tant pour les vivants que pour les morts, le nouvel ORDO met l’accent sur la nourriture et la sanctification des membres présents de l’assemblée.
Le Christ institua le Sacrement pendant la dernière Cène et se mit alors en état de victime pour nous unir à son état de victime ; c’est pourquoi cette immolation précède la manducation8 et renferme plénièrement la valeur rédemptrice qui provient du Sacrifice sanglant. La preuve en est que l’on peut assister à la Messe sans communier sacramentellement. 9
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FINALITE IMMANENTE.
La fin immanente de la Messe consiste en ce qu’elle est primordialement un Sacrifice.
Or il est essentiel au Sacrifice, quelle qu’en soit la nature, d’être agréé de Dieu, c’est-à-dire d’être accepté comme sacrifice.
Dans l’état de péché originel, aucun sacrifice ne serait, en droit, acceptable par Dieu. Le seul sacrifice qui puisse et doive en droit être accepté est celui du Christ. Aussi était-ce éminente convenance que l’Offertoire référât d’emblée le Sacrifice de la Messe au Sacrifice du Christ.
Mais le nouvel ORDO MISSAE dénature l’offrande en la dégradant. Il la fait consister en une sorte d’échange entre Dieu et l’homme : l’homme apporte le pain et Dieu le change en pain de vie ; l’homme apporte le vin, et Dieu en fait une boisson spirituelle : » Tu es béni, Seigneur Dieu de l’univers, parce que de ta libéralité nous avons reçu le pain (ou : le vin) que nous t’offrons, fruit de la terre (ou : de la vigne) et du travail de l’homme, d’où provient pour nous le pain de vie (ou : la boisson spirituelle) « .
Est-il besoin de faire remarquer que les expressions » pain de vie » (panis vitae) et » boisson spirituelle » (potus spiritualis) sont absolument indéterminées : elles peuvent signifier n’importe quoi. Nous retrouvons ici la même équivoque capitale que dans la définition de la Messe : dans la définition, référence à la présence spirituelle du Christ parmi les siens ; ici, le pain et le vin sont changés spirituellement : on ne précise plus qu’ils le sont substantiellement.10
Dans la préparation des oblats,11 un semblable jeu d’équivoques est réalisé par la suppression des deux admirables prières :
- Deus qui humanae substantiae… ;
- Offerimus tibi, Domine…
La première de ces deux prières déclare : « O Dieu qui avez créé la nature humaine d’une manière admirable et qui d’une manière plus admirable encore l’avez rétablie dans sa première dignité. » C’est un rappel de l’antique condition d’innocence de l’homme et de sa condition actuelle de racheté par le sang du Christ ; c’est une récapitulation discrète et rapide de toute l’économie12 du sacrifice depuis Adam jusqu’au temps présent.
La seconde de ces deux prières, qui est la finale de l’Offertoire, s’exprime sur le mode propitiatoire ; elle demande que le calice s’élève cum odore suavitatis en présence de la Majesté divine dont on implore la clémence ; elle souligne merveilleusement cette même économie du sacrifice.
Ces deux prières sont supprimées dans le nouvel ORDO MISSAE.
Supprimer ainsi la référence permanente à Dieu qu’explicitait la prière eucharistique, c’est supprimer toute distinction entre le sacrifice qui procède de Dieu et celui qui vient de l’homme.
Si l’on détruit ainsi la clef de voûte, on est bien forcé de fabriquer des échafaudages de remplacement : si l’on supprime les finalités véritables de la Messe, on est bien forcé d’en inventer de fictives. Voici donc des gestes nouveaux pour souligner l’union entre le prêtre et les fidèles, et celle des fidèles entre eux ; voici la superposition, destinée à s’effondrer dans le grotesque, des offrandes faites pour les pauvres et pour l’église à l’offrande de l’Hostie destinée au Sacrifice.
Par cette confusion, la singularité primordiale de l’Hostie destinée au Sacrifice est effacée ; en sorte que la participation à l’immolation de la Victime deviendra une réunion de philanthropes ou un banquet de bienfaisance.
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L'essence du sacrifice dans le nouvel ordo missae.
Considérons maintenant L’ESSENCE DU SACRIFICE dans le nouvel ORDO MISSAE.
Le mystère de la Croix n’est plus exprimé de manière explicite. Il est dissimulé à l’ensemble des fidèles. Cela résulte de multiples dispositifs dont voici les principaux.
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LE SENS DONNE A LA DENOMMEE « PRIERE EUCHARISTIQUE ».
Le numéro 54 (in fine) de l’Institutio déclare : » Le sens de la prière eucharistique consiste en ce que toute l’assemblée des fidèles s’unisse au Christ pour confesser les grandeurs de Dieu et offrir le sacrifice. »
De quel sacrifice s’agit-il ?
Qui est celui qui offre le sacrifice ?
Aucune réponse à ces questions.
Le même numéro 54 donne en commençant une définition de la » prière eucharistique « : » Voici que commence maintenant ce qui constitue le centre et le sommet de toute la célébration, la Prière eucharistique, ou prière d’action de grâces et de sanctification « .
On le voit : les EFFETS sont ainsi substitués à la CAUSE.
De la cause, on ne dit pas un seul mot. La mention explicite de la finalité ultime de la Messe, qui se trouve dans le Suscipe que l’on a supprimé, n’est remplacée par rien. Le changement de formule révèle le changement de doctrine.
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L’OBLITERATION DU RÔLE JOUE PAR LA PRESENCE REELLE DANS L’ECONOMIE DU SACRIFICE.
La raison pour laquelle le Sacrifice n’est plus mentionné explicitement est que l’on a supprimé le rôle central de la Présence réelle.
Ce rôle central est mis en une éclatante lumière dans toute la liturgie eucharistique du Missel romain de saint Pie V. Dans l’Institutio generalis au contraire, la Présence réelle n’est mentionnée qu’une seule fois, dans une note (note 63 au numéro 241), qui est l’unique citation du concile de Trente ! Cette mention se rapporte d’ailleurs à la Présence réelle en tant que nourriture. Mais il n’y a nulle part aucune allusion à la Présence réelle et permanente du Christ avec son Corps, son Sang, son Ame et sa Divinité dans les espèces transsubstantiées. Le mot lui-même de transsubstantiation ne figure nulle part.
La suppression de l’invocation à la Troisième Personne de la Sainte Trinité (Veni Sanctificator), pour qu’elle descende sur les oblats comme jadis elle descendit dans le sein de la Vierge pour y accomplir le miracle de la Divine Présence, s’inscrit dans ce système de négations tacites, de désintégration en chaîne de la Présence réelle.
Enfin il est impossible de ne pas remarquer l’abolition ou l’altération des gestes par lesquels s’exprime spontanément la foi en la Présence réelle. Le nouvel ORDO MISSAE élimine :
- les génuflexions, dont le nombre est réduit à trois pour le prêtre célébrant, et à une seule (non sans exceptions) pour l’assistance, au moment de la consécration ;
- la purification des doigts du prêtre au-dessus du calice et dans le calice ;
- la préservation de tout contact profane pour les doigts du prêtre après la consécration ;
- la purification des vases sacrés, qui peut être différée et faite hors du corporal ;
- la pale protégeant le calice ;
- la dorure intérieure des vases sacrés ;
- la consécration de l’autel mobile;
- la pierre sacrée et les reliques disposées sur et dans l’autel lorsque celui-ci est mobile, ou lorsqu’il se réduit à une simple table quand la célébration ne se fait pas dans un lieu sacré (cette dernière clause instaure en droit la possibilité d’ » eucharisties domestiques » dans les maisons particulières) ;
- les trois nappes d’autel, réduites à une seule ;
- l’action de grâces à genoux (remplacée par un grotesque remerciement du prêtre et des fidèles assis, aboutissement de la communion debout) ;
- les prescriptions concernant le cas où une Hostie consacrée tombe à terre, réduites au numéro 239 à un » reverenter accipiatur » presque sarcastique.
Toutes ces suppressions ne font qu’accentuer de façon provocante la répudiation implicite du dogme de la Présence réelle.
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LE RÔLE ASSIGNE A L’AUTEL PRINCIPAL.
L’autel est presque toujours désigné par le mot tablel3 : » L’autel ou table dominicale, qui est le centre de la liturgie eucharistique » (cf. numéros 49 et 262). – On stipule que l’autel doit être séparé des parois pour qu’on puisse en faire le tour et que la célébration puisse se faire face au peuple (numéro 262). On précise qu’il doit être au centre de l’assemblée des fidèles, afin que l’attention se porte spontanément sur lui (ibid). Mais la comparaison du numéro 262 et du numéro 276 exclut nettement que le Saint Sacrement puisse être conservé sur l’autel majeur. Cela consacrera une irréparable dichotomie entre la Présence du Souverain Prêtre dans le prêtre célébrant et cette même Présence réalisée sacramentellement. Auparavant, c’était une unique présence.14
Désormais, on recommande de conserver le Saint Sacrement à part, dans un lieu favorable à la dévotion privée des fidèles, comme s’il s’agissait d’une relique. Ainsi, ce qui attirera immédiatement le regard quand on entrera dans une église, ce ne sera plus le Tabernacle, mais une table dépouillée et nue. On oppose encore une fois piété liturgique et piété privée, on dresse autel contre autel.
On recommande avec insistance de distribuer à la communion les hosties qui ont été consacrées au cours de la même Messe, et même de consacrer un pain de dimensions assez grandes15 pour que le prêtre puisse le partager avec une partie au moins des fidèles16 : c’est toujours la même attitude méprisante envers le Tabernacle comme envers toute piété eucharistique en dehors de la Messe ; c’est une nouvelle et violente atteinte à la foi en la Présence réelle tant que durent les Espèces consacrées.17
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LES FORMULES DE LA CONSECRATION.
L’antique formule de la Consécration est une formule proprement sacramentelle, du type intimatif et non du type narratif.
En voici trois preuves :
A) Le texte du récit de l’Ecriture n’y est pas repris à la lettre. L’insertion paulinienne : » mysterium fidei » est une confession de foi immédiate du prêtre dans le mystère réalisé par le Christ dans l’Eglise au moyen de son sacerdoce hiérarchique.18
B) Ponctuation et caractères typographiques. – Dans le Missel romain de saint Pie V, le texte liturgique des paroles sacramentelles de la Consécration est ponctué et mis en évidence d’une manière propre.
Le HOC EST ENIM est en effet séparé par un point à la ligne de la formule qui le précède : » ...manducate ex hoc omnes « . Ce point à la ligne marque le passage du mode narratif au mode intimatif qui est propre à l’action sacramentelle.
Les paroles de la Consécration, dans le Missel romain, sont imprimées en caractères typographiques plus grands, au centre de la page ; souvent en une couleur différente.
Tout cela manifeste que les paroles consécratoires ont une valeur propre et par conséquent autonome.
C) L’anamnèsel9 du Canon romain se réfère au Christ en tant qu’il est opérant, et non pas seulement au souvenir du Christ ou de la Cène comme événement historique : HAEC QUOTIESCUMQUE FECERITIS, IN MEI MEMORIAM FACIETIS ; en grec : EIS TEN EMOU ANAMNESIN ; c’est-à-dire : » tournés vers ma mémoire « . Cette expression n’invite pas simplement à se ressouvenir du Christ ou de la Cène : c’est une invitation à refaire ce qu’il fit, de la même manière qu’il le fit.
A cette formule traditionnelle du Missel romain, le rite nouveau substitue une formule de saint Paul : « Hoc facite in meam commemorationem » qui sera proclamée quotidiennement en langues vernaculaires. Elle aura pour effet inévitable, surtout dans ces conditions, de déplacer l’accent, dans l’esprit des auditeurs, sur le souvenir du Christ. La « mémoire » du Christ se trouvera désignée comme le terme de l’action eucharistique, alors qu’elle en est le principe. « Faire mémoire du Christ » ne sera plus qu’un but humainement poursuivi. A la place de l’action réelle, d’ordre sacramentel, s’installera l’idée de « commémoration ».20
Dans le nouvel ORDO MISSAE, le mode narratif (et non plus sacramentel) est explicitement signifié dans la description organique de la « prière eucharistique », au numéro 55, par la formule : » récit de l’institution » ; et encore, au même endroit, par la définition de l’anamnèse : « L’Eglise fait mémoire (memoriam agit) de ce même Christ ».
La conséquence de tout cela est d’insinuer un changement du sens spécifique de la Consécration. Selon le nouvel ORDO MISSAE, les paroles de la Consécration seront désormais énoncées par le prêtre comme une narration historique, et non plus comme affirmant un jugement catégorique et intimatif proféré par Celui en la Personne de qui le prêtre agit : HOC EST CORPUS MEUM et non HOC EST CORPUS CHRISTI.21
Enfin, l’acclamation dévolue à l’assistance aussitôt après la Consécration : « Nous annonçons ta mort, Seigneur… jusqu’à ce que tu viennes », introduit, sous un déguisement eschatologique,22 une ambiguïté supplémentaire sur la Présence réelle. On proclame en effet, sans solution de continuité, l’attente de la venue du Christ à la fin des temps, juste au moment où iI est venu sur l’autel où il est substantiellement présent : comme si la venue véritable était seulement à la fin des temps, et non point sur l’autel.
Cette ambiguïté est encore renforcée dans la formule d’acclamation facultative proposée en Appendice (n°2) : « Chaque fois que nous mangeons ce pain et buvons ce calice, nous annonçons ta mort, Seigneur, jusqu’à ce que tu viennes ». L’ambiguïté atteint ici au paroxysme, d’une part entre l’immolation et la manducation, d’autre part entre la Présence réelle et le second avènement du Christ.23
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L'accomplissement du sacrifice.
Considérons enfin le nouvel ORDO MISSAE au point de vue de l’ACCOMPLISSEMENT DU SACRIFICE.
Les quatre éléments qui interviennent dans cet accomplissement sont, par ordre : le Christ, le prêtre, l’Eglise, les fidèles.
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SITUATION DES FIDELES DANS LE NOUVEAU RITE.
Le nouvel ORDO MISSAE présente le rôle des fidèles comme autonome, ce qui est manifestement faux. Cela commence dans la définition initiale du numéro 7 : « La Messe est la synaxe sacrée » ou le « rassemblement du peuple de Dieu ». Cela continue par la signification que le numéro 28 attribue au salut que le prêtre adresse au peuple : « Le prêtre, par une salutation, exprime à la communauté réunie la PRESENCE du Seigneur. Par cette salutation et par la réponse du peuple est manifesté le mystère de l’Eglise assemblée ». Vraie présence du Christ ? Oui, mais seulement spirituelle. Mystère de l’Eglise ? Certes, mais seulement en tant qu’assemblée manifestant ou sollicitant cette présence spirituelle.
Cela se retrouve continuellement. C’est le caractère communautaire de la Messe qui revient constamment comme une obsession (numéros 74 à 152). C’est la distinction, in-ouïe jusqu’à présent, entre la Messe avec peuple (cum populo) et la Messe sans peuple (sine populo) (numéros 77 à 231). C’est la définition de la « prière universelle, ou prière des fidèles » (numéro 45), où l’on souligne encore une fois « le rôle sacerdotal du peuple » (populus sui sacerdotii munus exercens) : ce sacerdoce est présenté en l’occurrence comme s’exerçant de manière autonome, par l’omission de sa subordination à celui du prêtre ; et alors que le prêtre, consacré comme médiateur, se fait l’interprète de toutes les intentions du peuple dans le Te igitur et dans les deux Memento.
Dans la « Prière eucharistique III » (Vere Sanctus, page 123 de l’ORDO MISSAE), on va jusqu’à dire au Seigneur : « Ne cesse pas de rassembler ton peuple POUR QUE (ut) du lever du soleil à son coucher une oblation pure soit offerte en ton Nom ». Ce « pour que » (ut) donne à penser que le peuple, plutôt que le prêtre, est l’élément indispensable à la célébration ; et comme il n’est point précisé, pas même en cet endroit, qui est l’offrant,24 c’est le peuple lui-même qui se trouve présenté comme investi d’un pouvoir sacerdotal autonome.
Dans ces conditions et selon ce système, il ne serait pas étonnant que bientôt le peuple soit autorisé à se joindre au prêtre pour prononcer les paroles de la Consécration. En plusieurs endroits, d’ailleurs, c’est déjà un fait accompli.
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SITUATION DU PRÊTRE DANS LE NOUVEAU RITE.
Le rôle du prêtre est minimisé, altéré, faussé.
- PREMIEREMENT : par rapport au peuple. Il en est le « président » et le « frère », mais il n’est plus le ministre consacré célébrant in persona Christi.
- SECONDEMENT : par rapport à l’Eglise. Il en est un membre parmi d’autres, un quidam de populo. Au numéro 55, dans la définition de l’épiclèse,25 les invocations sont attribuées anonymement à l’Eglise : le rôle du prêtre s’évanouit.
- TROISIEMEMENT : dans le Confiteor devenu collectif, le prêtre n’est donc plus juge, témoin et intercesseur auprès de Dieu. Il est donc logique que le prêtre n’ait plus à donner l’absolution, qui a été effectivement supprimée. Le prêtre est intégré aux « frères » : l’enfant de chœur servant la Messe l’appelle ainsi dans le Confiteor de » la Messe sans peuple ».
- QUATRIEMEMENT : déjà la distinction entre la communion du prêtre et celle des fidèles avait été supprimée. Cette distinction est cependant chargée de signification. Le prêtre tout au cours de la Messe, agit in persona Christi. En s’unissant intimement à la victime offerte, d’une manière qui est propre à l’ordre sacramentel, il exprime l’identité du Prêtre et de la Victime ; identité qui est propre au Sacrifice du Christ, et qui, manifestée sacramentellement, montre que le Sacrifice de la Croix et le Sacrifice de la Messe est substantiellement le même.
- CINQUIEMEMENT : plus un seul mot désormais sur le pouvoir du prêtre comme ministre du Sacrifice, ni sur l’acte consécratoire qui lui revient en propre, ni sur la réalisation par son intermédiaire de la Présence eucharistique. On ne laisse plus apparaître ce que le prêtre catholique a de plus qu’un ministre protestant.
- SIXIEMEMENT : l’usage de nombre d’ornements est aboli ou rendu facultatif : dans certains cas l’aube et 1’étole suffisent (numéro 298). Ces ornements sont des signes de la conformation du prêtre au Christ : ils disparaissent. Le prêtre ne se présente plus comme revêtu de toutes les vertus du Christ ; il ne sera plus qu’une sorte de gradé ecclésiastique, à peine distingué de la masse par un ou deux galons.26 Le prêtre sera en somme, selon la formule involontairement humoristique d’un prédicateur moderne,27 « un homme un peu plus homme que les autres ».
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SITUATION DE L’EGLISE DANS LE NOUVEAU RITE.
C’est-à-dire : relation de l’Eglise au Christ.
Dans un seul cas, au numéro 4, on daigne admettre que la Messe est une « action du Christ et de l’Eglise » : c’est dans le cas de la Messe « sans peuple ».
En revanche, dans la Messe « avec peuple », on n’exprime d’autre but que de « faire mémoire du Christ » et de sanctifier l’assistance. Le numéro 60 déclare : « Le prêtre célébrant… s’associe le peuple… en offrant le Sacrifice à Dieu le Père par le Christ dans le Saint-Esprit. » II aurait fallu dire : « associer le peuple au Christ, qui s’offre Lui-même à Dieu le Père… ».
C’est dans ce contexte que s’insèrent :
- la très grave omission du per Christum Dominum nostrum, formule qui signifie et fonde, pour l’Eglise de tous les temps, l’assurance d’être exaucé (Jean XIV, 13-14 ; XV, 16 ; XVI, 23-24) ;
- l’eschatologisme nuageux et maniaque, dans lequel la communication d’une réalité à fois actuelle et éternelle : la grâce, est présentée comme le fruit d’un progrès à venir ;
- le peuple de Dieu est « en marche », l’Eglise n’est plus l’Eglise militante qui combat contre la puissance des ténèbres : elle est pérégrinante vers un avenir qui n’apparaît plus lié à l’éternel (c’est-à-dire aussi à l’au-delà actuel), mais uniquement temporel.
Dans la « Prière eucharistique IV », la prière du Canon romain pro omnibus orthodoxis atque catholicae fidei cultoribus est remplacée par une prière pour « tous ceux qui Te cherchent d’un cœur sincère ».
Pareillement, le Memento des morts ne mentionne plus ceux qui sont morts cum signo fidei et dormiunt in somno pacis (marqués du signe de la foi et qui dorment du sommeil de la paix), mais simplement « ceux qui sont morts dans la paix du Christ ». On leur adjoint l’ensemble des défunts « dont toi seul connais la foi », ce qui constitue une nouvelle atteinte à l’unité de l’Eglise considérée en sa manifestation visible.
Dans aucune des trois nouvelles » prières eucharistiques » ne figure la moindre allusion à l’état de souffrance des trépassés ; en aucune il n’y a place pour une intention particulière à leur égard : ce qui, à nouveau, émousse la foi en la nature propitiatoire et rédemptrice du Sacrifice.28
Un peu partout, diverses omissions avilissent le mystère de l’Eglise en le désacralisant. Ce mystère est méconnu avant tout en tant que hiérarchie sacrée. Les Anges et les Saints sont réduits à l’anonymat dans la seconde partie du Confiteor collectif ; ils ont disparu de la première partie29 comme témoins et juges en la personne de saint Michel Archange. Les différentes hiérarchies angéliques disparaissent aussi, fait sans précédent, de la nouvelle Préface dans la « Prière eucharistique II » ; disparaît pareillement, dans le Communicantes, la mémoire des Saints, Pontifes et Martyrs sur qui l’Eglise de Rome demeure fondée, et qui sans aucun doute transmirent les traditions apostoliques et en firent ce qui devint avec saint Grégoire la Messe romaine. Supprimée encore, dans le Libera nos, la mention de la Bienheureuse Vierge Marie, des Apôtres et de tous les saints : son intercession et la leur n’est plus demandée, même au moment du péril.
L’unité de l’Eglise est compromise enfin en ceci : on a poussé l’audace jusqu’à l’intolérable omission dans tout le nouvel ORDO MISSAE, y compris dans les trois nouvelles » prières eucharistiques « , des noms des Apôtres Pierre et Paul, fondateurs de l’Eglise de Rome, et des noms des autres Apôtres, fondement et signe de l’unité et de l’universalité de l’Eglise. Leurs noms ne figurent plus que dans le Communicantes du Canon romain.
Le nouvel ORDO MISSAE porte encore atteinte au dogme de la communion des saints en supprimant, quand le prêtre célèbre sans servant, toutes les salutations et la bénédiction finale ; et en supprimant l’Ite Missa est dans la Messe sans peuple avec servant.30
Le double Confiteor au début de la Messe montre comment le prêtre, revêtu de ses ornements qui le désignent comme ministre du Christ, et s’inclinant profondément, se reconnaît indigne d’une si haute mission, indigne du tremendum mysterium qu’il se dispose à célébrer. Puis, ne se reconnaissant (dans l’Aufer a nobis) aucun droit d’entrer dans le Saint des Saints, il se recommande (dans l’Oramus te Domine) à l’intercession et aux mérites des martyrs dont l’autel renferme les reliques. Ces deux prières et le double Confiteor sont supprimés !
Sont également profanées les conditions qui conviennent pour célébrer le Sacrifice en tant qu’il est l’accomplissement d’une réalité sacrée : c’est ainsi que, lorsque la célébration a lieu en dehors d’une église, l’autel peut être remplacé par une simple table sans pierre consacrée ni reliques (numéros 260 à 265).
La désacralisation est portée à son comble par les nouvelles et parfois grotesques modalités de l’offrande. L’insistance est mise sur le pain ordinaire aux lieu et place du pain azyme. La faculté est donnée aux enfants de chœur, et aux laïcs lors de la communion sous les deux espèces, de toucher les vases sacrés (numéro 244). Une invraisemblable atmosphère se trouvera créée dans l’église : on verra en effet y alterner sans trêve le prêtre, le diacre, le sous-diacre, le psalmiste, le commentateur (le prêtre lui-même est d’ailleurs devenu commentateur, puisqu’il est invité à « expliquer » continuellement ce qu’il est sur le point d’accomplir), les lecteurs hommes et femmes, les clercs ou les laïcs qui accueillent les fidèles à la porte de l’église et les accompagnent à leur place, qui font la quête, qui portent les offrandes, qui trient les offrandes… Et au milieu d’une telle furie de retour à l’Ecriture, voici, au numéro 70, en opposition formelle à l’Ancien Testament comme à saint Paul, la présence de la mulier idonea, de la « femme ad hoc », qui pour la première fois dans la tradition de l’Eglise sera autorisée à faire les lectures de l’Ecriture Sainte et à accomplir d’autres « ministères qui sont remplis par d’autres que les membres du presbyterium ». Et enfin la manie de la concélébration : elle achèvera de détruire la piété eucharistique du prêtre et d’estomper la figure centrale du Christ, unique Prêtre et Victime, et de la dissoudre dans la présence collective des concélébrants.
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La destruction de l'unité
Nous nous sommes limités ci-dessus à un bref examen du nouvel ORDO MISSAE et de ses déviations les plus graves par rapport à la théologie de la Messe catholique. Les observations que nous avons faites ont surtout un caractère typique, il faudrait un plus vaste travail pour établir une évaluation complète des embûches, périls et éléments spirituellement et psychologiquement destructeurs que contient le rite nouveau.
Les nouveaux Canons – dénommés » prières eucharistiques » – ont été déjà critiqués plusieurs fois et avec autorité. Nous n’y revenons pas. Observons que la seconde « prière eucharistique » 3l avait immédiatement scandalisé les fidèles par sa brièveté. On a fait remarquer entre autres choses que cette » Prière eucharistique II » peut être employée en toute tranquillité de conscience par un prêtre qui ne croit plus ni à la transsubstantiation ni au caractère sacrificiel de la Messe : cette prière eucharistique peut très bien servir pour la célébration d’un ministre protestant.
Le nouvel ORDO MISSAE fut présenté à Rome comme un « abondant matériel pastoral », comme « un texte plus pastoral que juridique », auquel les Conférences épiscopales pourraient apporter, selon les circonstances, des modifications conformes au génie respectif des différents peuples.
Du reste, la première section de la nouvelle « Congrégation pour le culte divin » sera responsable de « l’édition et de la constante révision des livres liturgiques ».
A quoi fait écho le bulletin officiel des Instituts liturgiques d’Allemagne, de Suisse et d’Autriche32 en écrivant : « Les textes latins devront à présent être traduits dans les langues des différents peuples ; le style « romain » devra être adapté à l’individualité de chaque Eglise locale : ce qui a été conçu sur un mode intemporel devra être transposé dans le contexte mouvant des situations concrètes, dans le flux constant de l’Eglise universelle et de ses innombrables assemblées. »
La Constitution Missale romanum elle-même, s’opposant à la volonté expresse de Vatican II, donne le coup de grâce au latin comme langue universelle, en affirmant : » Dans une si grande diversité de langues s’élèvera la même et unique (?) prière de tous… » La mort du latin est donc donnée comme un fait acquis. Celle du grégorien en découle inéluctablement : le grégorien que pourtant Vatican II avait reconnu comme » le chant propre de la liturgie romaine » et dont il avait ordonné qu’il garde » la première place » (Const. conciliaire sur la liturgie, numéro 116). Le libre choix, entre autres, des textes de 1’Introït et du Graduel achève d’éliminer le chant grégorien.
Le nouveau rite se présente comme pluraliste et expérimental, et comme lié au temps et au lieu. L’unité de culte étant ainsi définitivement brisée, on ne voit plus en quoi pourra consister désormais l’unité de la foi qui lui est intimement liée et dont pourtant on continue de parler comme de la substance qu’il faut défendre sans compromission.
II est évident que le nouvel ORDO MISSAE renonce en fait à être l’expression de la doctrine que le Concile de Trente a définie comme étant de foi divine et catholique. Et cependant la conscience catholique demeure à jamais liée à cette doctrine. Il en résulte que la promulgation du nouvel ORDO MISSAE met chaque catholique dans la tragique nécessité de choisir.
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Les églises d'Orient
La Constitution « Missale romanum » parle explicitement d’une richesse de doctrine et de piété que le nouvel ORDO MISSAE emprunterait aux Eglises d’Orient.
Ce prétendu emprunt aura pour résultat effectif d’éloigner les fidèles de rite oriental : car l’inspiration du rite oriental n’est pas seulement étrangère, elle est tout à fait opposée à l’esprit du nouvel ORDO MISSAE.
A quoi, en effet, se réduisent ces emprunts qui se déclarent inspirés par l’œcuménisme ?
En substance, à la multiplicité des anaphores,33 mais non à leur ordonnance ni à leur beauté ; à la présence du diacre ; à la communion sous les deux espèces.
Mais il semble bien que l’on a voulu éliminer tout ce qui, dans la liturgie romaine, était le plus proche de la liturgie orientale34 ; qu’on a voulu, en reniant l’incomparable et immémorial caractère romain de la liturgie, renoncer à ce qui lui était spirituellement le plus propre et le plus précieux. On a substitué à la romanité des éléments qui rapprochent le nouvel ORDO MISSAE de certains rites protestants, et point de ceux qui étaient les plus proches du catholicisme : ces éléments dégradent la liturgie romaine et éloigneront de plus en plus l’Orient, comme on l’a déjà vu avec les réformes liturgiques qui ont immédiatement précédé le nouvel ORDO MISSAE.
En revanche, le nouvel ORDO MISSAE aura la faveur des groupes proches de l’apostasie qui, s’attaquant dans l’Eglise à l’unité de la doctrine, de la liturgie, de la morale et de la discipline, y provoquent une crise spirituelle sans précédent.
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Les abandons
Saint Pie V avait conçu l’édition du Missel romain comme un instrument d’unité catholique : la Constitution « Missale romanum » elle-même le rappelle. En conformité avec les prescriptions du concile de Trente, le Missel romain de saint Pie V devait empêcher que pût s’introduire dans le culte divin aucune des subtiles erreurs dont la foi était menacée par la Réforme protestante.
Les motifs de saint Pie V étaient si graves que jamais en aucun autre cas ne paraît avoir été plus justifiée la formule rituelle et en l’occurrence quasi prophétique qui termine la Bulle de promulgation du Missel romain (Quo primum, 19 juillet 1570) :
» Celui qui oserait porter la main contre cette œuvre, qu’il sache encourir la colère du Dieu Tout-Puissant et des bienheureux Apôtres Pierre et Paul. »
On a eu l’outrecuidance d’affirmer, en présentant officiellement le nouvel ORDO MISSAE dans la salle de presse du Vatican, que les raisons alléguées par le concile de Trente ne subsistent plus !
Non seulement elles subsistent, mais encore nous n’hésitons pas à affirmer qu’il en existe aujourd’hui d’infiniment plus graves. C’est précisément pour faire face aux insidieuses déviations qui de siècle en siècle menacèrent la pureté du dépôt reçu35 que l’Eglise a élaboré autour de ce dépôt les défenses inspirées de ses définitions dogmatiques et de ses décisions doctrinales.36 Ces définitions et ces décisions eurent leurs répercussions immédiates dans le culte, qui devint progressivement le monument le plus complet de la foi de l’Eglise. Vouloir à tout prix remettre en vigueur le culte antique en refaisant froidement, in vitro, ce qui à l’origine eut la grâce de la spontanéité jaillissante, c’est tomber dans cet archéologisme insensé condamné par Pie XII.37 Car cela équivaut, comme on l’a malheureusement vu, à dépouiller la liturgie de toutes les beautés pieusement accumulées pendant des siècles, et de toutes les défenses théologiques plus que jamais nécessaires en un moment critique, – peut-être le plus critique de l’histoire de l’Eglise.
Aujourd’hui, ce n’est plus à l’extérieur, c’est à l’intérieur même de la catholicité que l’existence de divisions et de schismes est officiellement reconnue.38 L’unité de l’Eglise n’en est plus à être seulement menacée : déjà elle est tragiquement compromise.39 Les erreurs contre la foi ne sont plus seulement insinuées : elles sont imposées par les aberrations et les abus qui s’introduisent dans la liturgie.40
L’abandon d’une tradition liturgique qui fut pendant quatre siècles le signe et le gage de l’unité de culte, son remplacement par une autre liturgie qui ne pourra être qu’une cause de division par les licences innombrables qu’elle autorise implicitement, par les insinuations qu’elle favorise et par ses atteintes manifestes à la pureté de la foi : voilà qui apparaît, pour parler en termes modérés, comme une incalculable erreur.
Corpus Domini 1969.